Votre blog est intéressant, c’est bien de parler des styles d’attachement insécures à l’âge adulte. Mais pouvez-vous écrire sur l’attachement sécure ? Comment y accéder et comment savoir que nous sommes dans cet attachement ?
Si une personne est sécure et a des capacités relationnelles pour communiquer, peut-elle se fermer ou plonger dans l’insécurité face à des personnes insécures ?
Katia*
Superbe question de Katia ! Elle me permet de revenir sur quelques petits malentendus que j’entends souvent au sujet de la sécurité d’attachement. Et il est vraiment important d’avoir quelques points de repère qui nous guident dans la bonne direction. En effet, le contexte dans lequel on se construit façonne notre vision du monde et cette perception devient “notre réalité”. Il peut alors être difficile de trouver des repères fiables pour aller vers du mieux-être.
Quelques idées reçues :
- Se sentir suffisamment “sécure” ne peut pas être un argument pour contraindre l’autre à s’améliorer… “Je suis sécure, donc j’ai raison, donc soigne toi”…. Non ce n’est pas de la sécurité d’attachement, c’est de la manipulation teintée d’une difficulté à prendre sa responsabilité.
- Se décrire comme super fort et de savoir gérer sans se plaindre non plus, ce n’est pas de la sécurité.
- Il ne s’agit pas non plus de la capacité à dire des choses émotionnelles, en soi…
Mais alors de quoi s’agit-il ?
C’est plutôt une solidité suffisante permettant de se sentir vulnérable tout en étant compétent dans certains domaines. Mais nous allons étoffer tout cela.
Pour rappel, l’attachement sécure c’est un peu l’idéal vers lequel on voudrait tous tendre. En effet, c’est celui dans lequel il y a le moins d’angoisse, ce qui favorise le développement :
- de notre créativité
- des liens plus sereins avec soi-même
- et avec les autres.
Je reviens sur cette représentation proposée par le Cercle de Sécurité. Il représente la construction de l’attachement sécure comme un mouvement relationnel fluide qui permet à l’enfant :
- de s’éloigner pour explorer le monde, à la mesure de ce qui est cohérent selon son niveau de développement ;
- et se revenir vers sa figure d’attachement pour se reconnecter à sa base de sécurité (pour être consolé, protégé ou émerveiller)
Ce mouvement étant tout ce qu’il y a de plus simple. Le besoin rencontre une réponse satisfaisante la plupart du temps, sans que cela ne soit parasité outre mesure par les problématiques du parent. Et c’est en soi un contexte particulièrement propice à la construction d’une sécurité intérieure suffisante, qui persiste à l’âge adulte. C’est ce que nous allons voir dans la section suivante.
10 signes de sécurité d’attachement
- Être en capacité de demander de l’aide. Quand on s’est construit dans un contexte où il fallait être indépendant très tôt ou au contraire qu’il fallait exagérer ses demandes, le rapport que l’on entretient à l’aide est teinté de “risques”. Une personne suffisamment sécure peut naturellement et facilement demander de l’aide, de façon appropriée, tout en pouvant s’appuyer ses ses capacités lorsque c’est possible.
- Respecter les tours de parole. S’intéresser à ce que dit son interlocuteur tout en se sentant légitime à prendre la parole à son tour est aussi un signe de sécurité – plutôt que d’occuper tout l’espace de parole ou rester trop dans le silence. Parfois, ces tours de parole ne sont pas respectés à 50/50 car l’un.e des participant.e.s à l’échange vit quelque chose d’intense et bien sûr cela fait partie de la vie. Accueillir l’expérience de l’autre en étant présent.e à sa parole – sans vigilance du moment où l’on va ENFIN pouvoir reprendre la parole – c’est sécure !
- Avoir une bonne régulation émotionnelle. Cela veut dire que l’on peut ressentir des émotions désagréables mais qu’elle ne sont pas envahissantes, on arrive à revenir assez facilement dans notre fenêtre de tolérance. Et là aussi il y a un malentendu, être sécure ne signifie pas ne rien ressentir de désagréable, pas du tout ! C’est même l’inverse, on ressent du désagréable (tristesse, frustration, colère, stress quand c’est adapté…) mais cela reste transitoire.
- Se réjouir sincèrement pour autrui. Lorsque les réussites ou les joies de nos proches sont perçues pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire de beaux moments d’accomplissement et que l’on partage ce bonheur, c’est un signe de sécurité. Il n’y a pas de place ici pour l’auto-évalutation en négatif ou la jalousie, voire le ressentiment.
- Savoir se protéger et protéger ses enfants. C’est une aptitude qui sous-tend que l’on a une représentation interne assez claire et construite de ce qui est “acceptable” de ce qui ne l’est pas. Et que même si c’est inconfortable voire effrayant dans certaines situations, on sait ce qu’il est adéquat de rétablir ou comment il faut agir pour protéger son enfant. Cela implique aussi de savoir faire la part des choses et de ne pas mélanger le vécu de son enfant avec sa propre histoire non résolue.
- Avoir de l’empathie. Il s’agit d’une habileté sociale essentielle aux relations puisque l’empathie permet de rejoindre l’autre dans son expérience. Elle nous fait ressentir le vécu d’autrui mais avec une particularité propre à l’attachement sécure, qui est l’absence d’envahissement de cette émotion. Il n’y a pas cette notion de fusion et de perte de contact avec soi-même face à la souffrance dont on est témoin.
- Supporter la critique. Prétendre que l’on sait, qu’on est expert qu’on n’a pas besoin de recevoir un regard sur soi, ce n’est pas un signe de sécurité ! Lorsqu’on a emmagasiné suffisamment de “bonnes choses” (empathie, émerveillement, autonomie, exploration etc.) on a plutôt confiance en soi et dans les autres. Ici la confiance en soi se relie au fait de se sentir fondamentalement une bonne personne. De ce fait, la critique ou les reproches sont plutôt des opportunités pour évoluer ou pour prendre soin d’une relation lorsqu’on a blessé quelqu’un. La critique n’est pas interprétée comme “Je suis mauvais.e” ce qui ouvre à l’explication ou la réparation.
- Pouvoir se disputer sans drame. Ce n’est pas que le conflit soit agréable en soi, loin de là, mais ce n’est pas pour autant la fin du monde. Il est abordé avec suffisamment de solidité et de sentiment de légitimité. La sécurité interne permet de considérer que ses besoins ou son point de vue sont valables et méritent d’être défendus. Dans une relation proche, cela s’équilibre en laissant l’autre avoir le droit de s’exprimer également !
- Ne pas prendre l’émotion d’autrui personnellement. En cas de stress, les styles d’attachement insécures sont marqués par l’interprétation négative des émotions des autres, en lien avec soi. Par exemple, face à la colère d’une personne, on peut se sentir angoissé.e et chercher à apaiser cette colère. Un signe de sécurité au contraire s’observe dans la capacité à faire la part des choses et permet de voir la colère de l’autre pour ce qu’elle est, reliée à l’histoire de cette personne, à la situation à laquelle elle fait face, à son sentiment d’injustice à elle, sans se sentir pris émotionnellement.
- Bon équilibre entre l’autonomie et l’interdépendance. Finalement c’est une façon de résumer l’ensemble de ces points – non exhaustifs ! – dans la faculté d’être avec l’autre, jusqu’à entretenir des connexions durables et intimes dans le temps. Comme le dit Dan Siegel dans cette conférence géniale, la santé repose sur la capacité d’être soi-même (un individu séparé), tout en étant relié (connexion). Et il dit, ce n’est pas comme un smoothie où on serait mixé avec l’autre dans un blender et par conséquent indifférenciés : “dans le lien, on ne perd pas la différentiation”. On est ensemble, tout en étant différents.
Styles d’attachement… ou “état d’esprit” d’attachement
Cette notion d’état d’esprit d’attachement est souvent mise en avant, entre autres, par les créatrices du podcast “Therapist Uncensored” et cette nuance met le doigt sur la fluidité de ce qui se passe dans la relation à soi et aux autres. Bien que l’on puisse être fortement identifié.e à un style d’attachement, n’oublions pas que les insécurités sont toujours liées à la sensibilité à certains signaux de stress. Ainsi, je vous invite à penser les 10 signes de l’attachement sécure ci-dessus comme des états d’esprit que vous pouvez expérimenter “à certains moments” et avec “certaines personnes”. En d’autres termes, cette sécurité est peut-être peu visible, elle n’en demeure pas moins présente en chacun de nous.
Pour conclure
Donc, si je reprends la seconde portion de votre question, la sécurité d’attachement permet de ressentir la souffrance de l’autre mais elle protège. Elle protège de l’effondrement, de l’envahissement des émotions négatives au sein des relations interpersonnelles. Elle n’empêche pas de souffrir face aux difficultés de la vie ! Mais elle permet de guérir après un drame ou de revenir plus facilement dans sa fenêtre de tolérance.
Pour s’en approcher et intégrer cette sécurité, il est préférable de s’entourer de personnes qui souhaitent également faire un travail en ce sens car cela s’acquiert en relation. En effet, lire sur le sujet est très formateur et intéressant mais cela ne guérit pas l’attachement, on ne soigne ses insécurités qu’avec d’autres personnes bien intentionnées et elles-mêmes suffisamment sécures. En cela, l’accompagnement en thérapie peut s’avérer nécessaire.
Et vous lecteurs & lectrices, pensez-vous à d’autres signes de sécurité ? N’hésitez pas à les partager.
J’espère que cela vous aide !
*prénom modifié
Laetitia Bluteau 2024 | laetitiabluteau.fr
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Il ne s’agit bien évidemment pas de thérapie, mais plutôt d’un espace où je me propose de préciser des concepts ou de vous aider à orienter votre réflexion.
Au plaisir de vous lire !