La neuroception permet de détecter la sécurité ou le danger
Les pires situations qu’un mammifère puisse rencontrer sont l’isolement et la soumission. Nos corps humains ont évolué dans une attente de co-régulation et de réciprocité relationnelle. C’est le plus souvent lorsque nous dévions de ces deux axes que nous percevons le danger dans une relation. Notre système nerveux, qui veille en permanence sur notre sécurité, surveille notamment la sécurité relationnelle.
Ainsi, nous sommes intuitivement conscients de l’état émotionnel de la personne avec laquelle nous sommes en interaction. Sans que ne n’ayons de contrôle sur ces phénomènes, une partie du cerveau perçoit – de façon implicite et automatique – des indices permettant de détecter si la situation est sécure ou menaçante : l’intonation, l’expression du visage, les muscles autour des yeux, la gestuelle ainsi que la réciprocité dans les échanges sont scannés en permanence. C’est ce que Stephen Porges appelle la neuroception.
Le ton de la voix émet un signal de sécurité ou de danger
Je ne peux pas parler, je scrute le danger !
Physiologiquement, les oreilles s’ouvrent littéralement lorsque le système nerveux autonome est “branché” sur le système d’engagement social. Cela signifie que lorsqu’on se sent bien, détendu, que l’on est bien accordé avec son interlocuteur, on entend mieux ! Le ton de la voix est stable, harmonieux et mélodieux.
En revanche, lorsque l’on est sous stress… on entend moins bien, on manque des consonnes et la fin des mots. C’est parce que la prosodie, dont la fonction est de signaler le danger, a le pouvoir de déclencher l’amygdale instantanément. Le système auditif se modifie alors afin de percevoir en priorité les fréquences qui correspondent, en termes d’évolution, au danger :
- Pour les femmes, cela se traduit par une montée dans les aigus. C’est ce qui reste, d’un point de vue de l’évolution des espèces, d’une alerte, un peu comme une sirène, informant le groupe d’un danger.
- Chez les hommes la voix descend au contraire dans les graves.
- Un troisième signal de danger dans la prosodie est le ton monocorde ou “flat affect”.
Ces trois manifestations du danger dans la prosodie s’accompagnent de signes physiques qui viennent renforcer ce signal : le visage devient inexpressif ou au contraire crispé, froncé, la bouche se resserre, le contact visuel est fixe, menaçant, ou bien évitant.
Vulnérabilité et résilience
Quelqu’un qui grandit dans l’attachement sécure acquiert un système d’engagement social solide et sera plus résilient à l’âge adulte. Ses réactions de stress – donc de perception de la menace – seront modérées. Bien que perçu, le signal de danger ne déclenchera pas de bouleversement émotionnel, ou alors, il sera assez aisé pour cette personne de rebondir et de revenir dans l’engagement social.
En revanche, une personne à l’attachement insécure – et qui a donc grandit dans un environnement “menaçant” en termes physiologiques – sera excessivement sensible aux fréquences aiguës et basses de la prosodie : c’est la marque d’un profond sentiment d’insécurité. Ses réactions pourront alors paraître disproportionnées pour l’entourage qui aura parfois l’impression de marcher sur des œufs.
Le contenu d’un message impacte moins l’interlocuteur
que le ton sur lequel ce message est transmis.
On n’est pas toujours conscient de la montée ou de la descente du ton de la voix, il est donc important d’y porter attention car cela peut induire, en un claquement de doigts, une réaction très vive à laquelle on ne s’attend pas nécessairement.
Lorsqu’une personne est en mode de défense, que l’alarme est enclenchée, aucune discussion n’est possible sur l’instant car elle n’est pas “branchée” sur le système d’engagement social. Il faut donc attendre que la tension redescende pour pouvoir réparer ce qui s’est passé.
Sources :
Stephen Porges, The Polyvagal Theory / http://stephenporges.com/