L’attachement évitant chez l’adulte

Je veux bien que tu sois dans ma maison… mais pas dans ma chambre – sauf si je te le demande !

Dr Stan Tatkin

Un style d’attachement découle d’un ensemble de comportements adaptatifs

La façon dont des parents – ou les “figures d’attachement” – interagissent avec leur enfant va largement déterminer le style d’attachement que ce dernier va développer à leur contact : sécure, ambivalent, évitant ou désorganisé. Cette empreinte initiale va suivre l’enfant au cours de son évolution et constituera le modèle de toutes ses relations futures.


Pour aller plus loin sur ce thème, je propose un module en vidéo qui vous aidera à mieux comprendre et assouplir ce mode de fonctionnement :

Comprendre l’attachement évitant


Les enfants ayant développé un attachement évitant ont des parents qui ont tendance à se montrer indisponibles ou indifférents voire même hostiles, lorsque leurs besoins sont exprimés et notamment lorsqu’ils sont malades ou émotionnellement en détresse. Ces parents découragent toute tentative de l’enfant à activer son système d’attachement que sont les pleurs, les demandes, les besoins de réconfort… Ils ont davantage tendance à encourager et valoriser un accès rapide à l’autonomie et à l’indépendance. Pour Ainsworth & Main, la mère d’un enfant à l’attachement évitant “est distante, rejette les besoins d’attachement de son enfant, est hostile envers les signes de dépendance et n’aime pas le contact affectueux en face à face et ce, plus particulièrement lorsque c’est le bébé qui le désire. Les besoins et les désirs de la mère qui n’ont pu être satisfaits lorsqu’elle était plus jeune, sont devenus une source de souffrance et de honte pour elle. Lorsqu’elle les voit se manifester chez son enfant, cela l’irrite, l’attriste ou la dégoûte.” Il est important d’insister sur le fait que ces mères veulent s’occuper de leur enfant d’une façon adéquate mais qu’elle se sentent en grande difficulté : elles manquent d’empathie et de modèles de “comment prendre soin” auxquels se référer.

Ainsi, puisque ces enfants font l’expérience douloureuse de se sentir rejetés, ignorés ou punis lorsqu’ils expriment un besoin, ils apprennent très tôt à taire toute forme de demande. En d’autres termes, ils désactivent leur système d’attachement, ce qui leur permet de garder le maximum de proximité avec leur parent.

Si je n’exprime pas de besoin et que je montre que je peux me débrouiller tout seul, mon parent ne me rejettera pas. Je pourrai ainsi conserver le maximum de contact avec lui.

Il s’agit bien d’une “illusion d’indépendance”, l’enfant étant en réalité extrêmement réceptif à l’indisponibilité parentale, ainsi que l’atteste le niveau de cortisol (hormone du stress) d’un niveau très élevé lors de séparations. Ils se présentent comme des enfants sages et matures, n’exprimant pas de besoin de réconfort, de câlins, d’amour ou d’attention.

Je recherche la proximité de ma figure d’attachement, tout en n’interagissant pas directement avec elle.


Voir à ce sujet, Mary Ainsworth, Strange situation (en Anglais). Cette situation expérimentale montre les quatre styles d’attachement à travers des exemples d’interaction mère-enfant. Sont analysés : la qualité de la relation, la réaction de l’enfant lorsque la mère sort de la pièce et la réaction de l’enfant lorsque celle-ci revient.


De ce style d’attachement découlent deux sous-types :

  • l’évitant-distant (dismissive avoidant) : il a développé une théorie sur lui-même selon laquelle il n’a pas besoin des autres, ce qui lui permet de justifier son comportement distant. Il affirme qu’il se suffit à lui-même et que tout va bien ainsi. Il masque son besoin de contact (plus ou moins enfoui) par un bouclier d’estime de soi.
  • l’anxieux-évitant ou évitant-craintif (fearful avoidant) : il a conscience d’avoir très envie d’intimité relationnelle mais il est terrifié lorsqu’une telle situation se présente. Cette peur se traduit par une prise de distance aussitôt que la proximité devient trop menaçante. Devenir trop proche, c’est risquer d’être rejeté ou envahi.

Ces deux sous-types ont été formés par la confrontation constante et répétée à la non prise en compte – voire au rejet – de leurs besoins au cours de leur développement. Les premiers ont réagit à cela en “décidant” qu’ils n’avaient pas besoin des autres et n’ont de ce fait pas de raison apparente pour s’engager dans une relation intime. Les seconds pensent qu’il y a vraiment quelque chose en eux qui suscite le rejet, ce qui les conduit à fuir l’intimité d’une relation qui viendrait découvrir cette béance.

Possibles manifestations de l’attachement évitant

Un style d’attachement se manifeste par une série de caractéristiques. Elles sont plus ou moins marquées selon les individus et se déploient sur un continuum, des simples tendances, aux traits de personnalité jusqu’au Trouble de la personnalité évitante.

  • Évitement de la proximité ou de l’intimité
  • Ambivalence
  • Comportements méprisants
  • Attitude distante, parfois hautaine
  • N’aime pas dépendre des autres
  • Difficulté à être proche / Peur de la proximité
  • Garde ses distances
  • Manque d’émotion ou minimisation de l’expression des émotions
  • Difficulté à s’ouvrir notamment s’agissant de pensées privées
  • Faux-self
  • Repousse quiconque tente de trop s’approcher
  • Illusion d’auto-suffisance
  • Alexithymie
  • Trouve l’intimité relationnelle étouffante
  • Manque d’empathie

Un style relationnel basé sur la désactivation des comportements d’attachement

Ayant grandi dans un environnement qui l’a conduit à se déconnecter de ses besoins physiologiques et/ou à minimiser l’importance des émotions, l’adulte évitant fait en sorte de maintenir son entourage à distance. C’est vrai pour toutes les relations qu’il développe au cours de sa vie, mais c’est bien au cœur de la relation amoureuse que cela se manifeste de façon plus évidente.

Cette mise à distance, c’est ce qui marque en premier lieu le début d’une relation amoureuse, par des stratégies de désactivation des comportements d’attachement du partenaire. En effet, l’adulte évitant transmet le message de son indisponibilité de différentes façons :

  • ne rappelle pas
  • fait attendre son partenaire
  • annule des rendez-vous
  • dit qu’il n’est pas “prêt à s’engager”
  • idéalise une relation passée et la présente comme inégalable
  • se déconnecte et pense à autre chose pendant une conversation
  • multiplie les partenaires
  • choisit un partenaire indisponible, par exemple marié
  • met en avant l’importance d’une mission qui l’empêche d’être présent au quotidien
  • minimise ou ridiculise la manifestations d’émotions / les demandes d’aide
  • développe un discours sur l’importance de l’indépendance et l’autosuffisance : dans le couple et dans la vie en général, notamment dans la sphère professionnelle
  • préfère les relations à distance
  • se concentre sur les défauts de son partenaire
  • rompt facilement
  • ne parle jamais de sentiments et d’émotions

Ainsi, il peut se sentir mal à l’aise lorsqu’une relation s’inscrit dans le temps. Il ressent souvent son partenaire comme étant trop demandeur et étouffant si ce dernier évoque ses besoins affectifs.

Voir L’attachement évitant et le conflit

Lorsqu’il parvient à un rapprochement significatif au sein de la relation (mariage, installation dans un logement commun, naissance d’un enfant…) il lui faut mettre en place des stratégies pour maintenir une distance nécessaire : s’enfermer dans une pièce, s’isoler dans la lecture ou devant des écrans, avoir un métier ou des activités personnelles chronophages, développer les déplacements hors du foyer…

Comme tout être humain, l’adulte évitant a un profond besoin de contact relationnel

Dans la représentation du monde de l’adulte évitant, trop de proximité entraîne inéluctablement le risque d’être rejeté. Les stratégies de mise à distance lui permettent alors de maintenir un lien “dans les parages” sans que cela ne devienne une menace pour lui.

Pour satisfaire ses besoins d’attention et de contact humain, une personne à l’attachement évitant apprend à se lier avec des personnes davantage portés sur la satisfaction des besoins des autres, sans rechercher de réciprocité. De cette façon, ils n’ont pas besoin d’exprimer de demande.

Maintenir une relation avec un adulte évitant peut être difficile et cela peut activer en soi la sensation d’être rejeté, mal ou non aimé. Pourtant, ce n’est pas forcément le cas. L’idéal pour un adulte évitant c’est, comme le dit Stan Tatkin, d’avoir quelqu’un de disponible dans son entourage, quelque part dans la maison ou même plus loin, ce qui lui permet de faire l’expérience d’une forme de lien relationnel sans contact direct : c’est ce qui lui est familier et c’est ainsi qu’il se sent en sécurité. Son besoin de connexion est bien présent, mais de nombreux barrages bloquent cet accès à l’intimité d’une relation.

En revanche, la “pression pour la connexion” lui est insupportable et peut le rendre agressif. Il s’agit donc de lui donner le temps nécessaire pour revenir dans le contact. Si vous vivez avec une personne évitante qui par exemple se dirige systématiquement sur son écran de téléphone en rentrant du travail, vous pourriez lui dire quelque chose comme “Quand tu te sentiras prêt-e, peut-être que tu pourrais me rejoindre dans le salon, comme ça on pourrait passer un moment ensemble”. Le fait de trop insister aurait un effet inverse… tout est question de temps, pour qu’il puisse sortir de sa bulle et revenir dans le contact – car il ne peut pas y arriver rapidement.

Il est bien sûr important de ne pas tomber dans une catégorisation caricaturale et réductrice, mais de réfléchir en termes de tendances et de stratégies d’adaptation.

Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à rejoindre un atelier en ligne.

L’attachement anxieux/ambivalent chez l’adulte


Laetitia Bluteau | laetitiabluteau.fr

 

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