ESPT (Etat de Stress Post-Traumatique), Non classé, Théorie polyvagale

Et si votre difficulté à avancer était en réalité une réponse de figement ?

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Comme face à Méduse, tout mouvement devient impossible.
Car le figement n’est pas un choix, c’est une réponse automatique de survie.

Quand le corps doit se pétrifier pour survivre

Lorsqu’on parle de trauma, on évoque souvent la fuite ou le combat. Pourtant, une autre réponse de survie est tout aussi fondamentale et elle reste moins bien comprise. Il s’agit du figement, aussi appelé freeze. Plus discrète encore, une forme moderne et invisible de cette réponse existe aujourd’hui, c’est le figement fonctionnel. Comprendre ces états permet de transformer profondément notre regard sur de nombreux symptômes physiques, émotionnels et comportementaux.

Vous trouverez sur ce site de nombreux contenus sur le trauma et le fonctionnement du système nerveux autonome. Ce que nous allons aborder ici concerne spécifiquement le figement.

Le système nerveux autonome est conçu pour assurer notre survie. Face à une menace perçue, il active automatiquement une réponse adaptée : si le danger peut être affronté, le corps mobilise l’énergie du combat et s’il est possible de s’en éloigner, il active la fuite. Mais lorsque aucune action ne semble possible, le système nerveux choisit le figement. Cette réponse n’est ni consciente ni volontaire, elle est biologique, automatique et profondément intelligente.

Le figement survient lorsque l’organisme estime qu’il n’existe aucune issue. Le corps entre alors dans un état de protection maximale. L’énergie diminue fortement, les fonctions non essentielles sont mises en veille et le système nerveux parasympathique dorsal prend le relais. La perception se modifie, les émotions peuvent s’émousser et la douleur se faire plus lointaine. Sur le plan subjectif, cela peut se traduire par une sensation de vide, d’engourdissement, de confusion mentale, une difficulté à penser ou à agir, une immobilité intérieure et parfois une dissociation plus ou moins marquée. Le figement est une stratégie de survie lorsque le système est dépassé.

Chez certaines personnes, en particulier ayant vécu des traumas précoces et ou relationnels répétés, le système nerveux apprend logiquement que le monde est dangereux et même plus encore, que les tentatives d’agir sont perdues d’avance. C’est une forme de résignation apprise (learned helplessness), un état psychologique dans lequel un individu humain ou animal, exposé à des situations aversives (douleur, échec, stress) incontrôlables finit par abandonner toute tentative d’y échapper ou de les éviter, même lorsque des solutions deviennent disponibles plus tard. Les études de Seligman sur les chiens sont éclairantes à ce sujet :

Dans les années 1960, le Pr Martin Seligman et ses collègues ont mené des expériences sur des chiens. Ceux-ci recevaient des chocs électriques dans une cage sans avoir aucun moyen de s’en protéger. Après plusieurs essais, les chiens ne tentaient plus de fuir, même lorsqu’on leur offrait une issue. Ils restaient passifs, comme s’ils avaient « appris » que leurs actions n’avaient aucun effet.

Mécanismes :

  • Perte de contrôle perçu : L’individu généralise l’idée que ses actions sont inefficaces.
  • Symptômes : Apathie, baisse de motivation, dépression, difficulté à apprendre de nouvelles stratégies d’adaptation.

Le figement peut alors s’installer comme un état de fond plutôt que comme une réponse ponctuelle. Cela peut s’exprimer par une fatigue chronique, un brouillard mental, des douleurs persistantes, une difficulté à se concentrer, un sentiment d’être éteint ou déconnecté et une grande difficulté à passer à l’action malgré une réelle volonté de changer.

Figement et figement fonctionnel

Le figement fonctionnel est une forme plus subtile de ce même mécanisme. Il s’agit d’un concept issu de l’observation clinique et somatique, permettant de décrire un état de figement interne masqué par un fonctionnement social et professionnel préservé.

Le figement ressemble au mythe de Méduse dans lequel, face à une menace perçue comme inévitable, le vivant se transforme en pierre. Le regard de Méduse ne tue pas, il immobilise.

Extrait de la fresque de Carrache au palais Farnèse : 
Persée pétrifie ses ennemis grâce à la tête de Méduse, tranchée par Persée.
Par Annibale Carracci and Domenichino

Ce concept de figement fonctionnel s’inscrit dans la continuité des travaux de Stephen Porges sur le système nerveux autonome et de Peter Levine sur les réponses de survie. À l’extérieur, tout semble aller bien. La personne travaille, assume ses responsabilités, se montre compétente, organisée et souvent très performante. Elle peut être perçue comme solide, fiable ou même brillante. À l’intérieur, pourtant, l’expérience est tout autre. Il y a une sensation de coupure avec soi, une rigidité interne, un hypercontrôle constant, un épuisement profond et un manque de plaisir ou de vitalité. Ralentir devient difficile, voire angoissant. Le mouvement est possible, mais il est coûteux.

En réalité, le corps est encore en mode survie. Il fonctionne, mais il ne vit pas pleinement. En suivant la métaphore de Méduse, on pourrait dire que dans le figement fonctionnel, la statue continue de bouger, de travailler et de fonctionner, mais quelque chose à l’intérieur est minéralisé. L’élan vital est sous contrôle permanent. Comme Méduse, ces états sont souvent mal compris et chargés de honte, alors qu’ils racontent une histoire de survie extrême. On ne sort pas du figement en l’attaquant de front. Comme Persée, on avance indirectement, par sécurité, par reflet, jusqu’à ce que le corps n’ait plus besoin de se transformer en pierre.

C’est pour cette raison que les injonctions à se motiver, à se discipliner ou à penser positivement sont généralement inefficaces. Dans le figement, le problème se situe au plan neurobiologique. Le cerveau rationnel peut vouloir avancer et faire des projets, mais le système nerveux envoie un message clair : c’est insécurisant. Se forcer ne fait alors qu’aggraver la situation en augmentant la surcharge physiologique, l’épuisement et la déconnexion corporelle.

Il n’y a pas de « quick fix » pour sortir du figement. Cela prend beaucoup de temps et de patience renouvelée. L’effort mental n’étant pas très efficace, l’attention est à porter sur une restauration progressive de la sécurité dans le corps. Cela implique un travail sur la régulation du système nerveux, une reconnexion corporelle douce, une diminution de la surcharge physiologique, notamment en soutenant le sommeil et en réduisant l’inflammation, ainsi qu’un respect profond du rythme interne. Les petits mouvements et les micro choix sont souvent bien plus efficaces que les changements brutaux. Le corps doit d’abord sentir qu’il est en sécurité avant de pouvoir évoluer.

Changer de regard sur la « paresse » ou la procrastination

Comprendre le figement et le figement fonctionnel permet un changement de regard essentiel. Ce qui était perçu comme de la paresse ou un manque de volonté apparaît alors pour ce que c’est réellement, une intelligence de survie qui a permis de tenir dans des contextes où il n’était pas possible de faire autrement. La guérison commence lorsque l’on cesse de demander au corps de faire plus : si l’envie qui se présente est de se mettre en boule sous une couverture, pourquoi ne pas aller dans le sens du corps ? Offrir de la lenteur, de la chaleur, une musique enveloppante sans surstimulation (car de nos jours le repos est souvent confondu avec du visionnage compulsif de séries et de temps évaporé sur les réseaux sociaux : ce n’est pas du tout du repos pour l’organisme).

Retrouver de la vitalité ne consiste pas à forcer la sortie du figement, mais à accompagner doucement le corps pour qu’il n’ait plus besoin de s’y réfugier.

Laetitia Bluteau | laetitiabluteau.fr

Enfants, ESPT (Etat de Stress Post-Traumatique)

« Lifespan Integration » (ICV) : une thérapie pour réparer l’attachement & intégrer les expériences adverses

Relier les états du Moi à travers le temps.

Le Lifespan Integration (ICV) est une thérapie qui a été développée par Peggy Pace aux États-Unis, à partir de 2002. C’est une approche de choix pour soigner l’attachement, les problèmes de régulation émotionnelle et les traumas, qu’ils soient liés à des événements dont on garde un souvenir, ou qu’ils aient eu lieu avant l’apparition du langage.

Parce qu’elles sont enregistrées dans la mémoire implicite, ces dimensions ne sont pas accessibles par le langage : c’est pourquoi les thérapies uniquement basées sur la parole auront un effet limité pour des personnes ayant subi des carences affectives, de la maltraitance ou de la négligence. En effet, les patients rapportent souvent qu’ils ont « compris » leur fonctionnement – et cela a été capital dans leur vie – mais cela ne change pas fondamentalement la façon dont ils se sentent agis, un peu malgré eux, dans des comportements, des situations relationnelles répétitives et douloureuses, des pensées négatives, des comportements extrêmes ou des angoisses qui font dire « je sais que c’est irrationnel, bizarre, contreproductif et que ça fait mal… mais je ne peux pas m’en empêcher ! »

La thérapie

Ces comportements et ces difficultés de régulation ont souvent une origine dans la relation d’attachement ou dans un événement traumatique spécifique. Je propose sur ce site internet de nombreuses ressources explicitant les mécanismes d’adaptation qui se mettent en place chez le bébé et le jeune enfant, lorsque le  maternage est carencé, instable, voire même emprunt d’hostilité.

Alors que le temps passe, que ce bébé est maintenant devenu adulte, il reste pourtant en lui quelque chose de cette insécurité initiale qui se manifeste dans les relations et dans des problèmes physiologiques (troubles du sommeil, addictions, anxiété, dépression…). On peut comprendre cela en s’inspirant des anneaux de croissance des arbres, car comme eux, nous sommes « cumulatifs » : lorsqu’on coupe un tronc d’arbre on peut voir qu’à l’intérieur il y a toujours le petit arbre de un an, puis celui de deux ans, de six ans etc., jusqu’au dernier anneau d’aujourd’hui, enveloppé d’écorce. Pour nous, humains, c’est un peu pareil au sens où ces anneaux correspondent aux âges de la vie, et lorsqu’il y a eu trop de stress, « l’anneau de croissance » correspondant pour nous à un « état du Moi », est encapsulé. En quelque sorte, le système nerveux se croit toujours dans cette situation du passé dans laquelle l’hypervigilance – ou la mise en veille – était indispensable à sa survie. Ce phénomène d’adaptation était cohérent dans ce contexte initial, mais aujourd’hui il ne l’est plus : la thérapie consiste alors à « prouver » au système nerveux que ce qui est dans le passé est terminé.

Pour ce faire, nous utilisons l’imagination active et basons le travail sur une liste de souvenirs chronologiques, la « ligne du temps ». Notre objectif est de ranger les événements difficiles au bon endroit dans le passé. Ce processus d’intégration favorise l’accès à un sentiment de sécurité suffisant qui permet de faire sens de son histoire (se souvenir, comprendre et ressentir) sans en subir encore les conséquences dans le présent.

Ce n’est pas comme on peut le lire parfois, une « thérapie brève » : plus une personne a été exposée à un stress intense au début de sa vie (carences, maltraitances), plus son fonctionnement global risque d’en être affecté à l’âge adulte. Ce sont donc des accompagnements qui prennent du temps et cela en vaut la peine. Les réorganisations se mettent en place progressivement, à mesure que grandit le sentiment de sécurité.

Pour plus de précisions sur les bases théoriques de Lifespan Integration – ICV et son fonctionnement, voir le site de LI France ou Lifespan Integration.

Laetitia Bluteau | laetitiabluteau.fr

ESPT (Etat de Stress Post-Traumatique)

Thérapie du Stress Post-Traumatique

Le Stress Post-Traumatique peut être considéré comme la trace d’un choc qui reste actif dans l’organisme. Cette trace est constituée de symptômes tels que l’hypervigilance, les Flashbacks, les Cauchemars concernant l’événement, les Souvenirs intrusifs, les Conduites d’évitement… et toutes sortes de dérégulations plus subtiles de l’humeur de du sentiment de connexion à la vie.

L’hyperactivation du système nerveux se déclenche face à une situation qui présente un danger et dont l’intensité dépasse ce que l’on peut vivre dans la vie quotidienne : dans les cas de viol, de torture, d’agression, de catastrophe naturelle… Et cela peut aussi être le cas dans des situations plus banales, telles qu’une chute de vélo, une procédure médicale ou bien la morsure d’un chien. Dans ces situations, le système nerveux sympathique provoque la production d’une quantité phénoménale d’adrénaline : c’est l’énergie dont l’organisme a besoin pour se défendre par les réactions de Combat ou de Fuite (Fight or Flight), s’accompagnant d’importants bouleversements physiologiques :

  • Accélération du rythme cardiaque et de la respiration, ce qui permet d’avoir à disposition davantage d’oxygène et de sang dans les muscles
  • Pupilles dilatées
  • Nausée, bouche sèche
  • Extrémités froides
  • Muscles tendus…

Lorsque ces réactions de Combat/Fuite ne sont pas possibles, ou si la situation traumatique est prolongée, il y a alors une réaction de Figement (Freeze) aussi appelée « sidération psychique », c’est que l’on observe par exemple chez le petit mammifère qui « fait le mort » lorsqu’un prédateur l’a attrapé et continue de jouer avec. Chez l’humain, cela donne lieu à des réactions telles que :

  • La sensation d’être dans une autre réalité
  • Le rythme cardiaque ralentit, la peau devient pâle
  • La douleur et la peur sont moins intenses ou disparaissent

Il y a un État de Stress Post-Traumatique lorsque le système nerveux reste bloqué dans un état de survie, comme s’il restait figé dans le temps de l’événement et qu’il percevait continuellement la répétition du danger.

Le trauma lui-même peut se soigner par des approche thérapeutiques telles que l’ICV et des techniques issues de la Somatic Experiencing grâce à des exercices permettant de se reconnecter à soi et à son environnement de façon calme et adaptée. Il s’agit de montrer au corps que le danger est désormais écarté et que les stratégies défensives qui parasitent le patient par le biais de ses symptômes n’ont plus lieu d’être.

Le programme Safe and Sound Protocol en collectif est spécialement dédié à ce sujet.

Laetitia Bluteau 2018